Avant la Covid-19, le numérique à l'école était en quête d'un consensus avec d'un côté les convaincus, de l'autre les réfractaires et au milieu les indécis. Le premier confinement a rebattu soudainement les cartes. En quelques jours, le numérique n'était plus à la marge, mais bien au centre des usages des professeurs et des élèves.
Définir ce qu'est le numérique pour l'éducation
Quand on évoque le numérique pour l'éducation, de quoi parle-t-on exactement ? Des Espaces numériques de travail (ENT) considérés comme des prolongements numériques des établissements pour faciliter les échanges entre professeurs, élèves, parents et administration ? Des outils interactifs utilisés dans les classes par les professeurs et les élèves comme les tablettes, ou les tableaux interactifs ? Des ressources numériques disponibles sur le portail éduthèque et le dispositif edu-up pour les enseignants ainsi que les manuels numériques qui allègent considérablement les cartables des élèves ?
Tous ces aspects se sont installés progressivement au sein de l'école avec plus ou moins de réticences. Mais le confinement a mis en avant une autre dimension « digitale ». Les professeurs ne se sont pas contentés de se familiariser avec les outils numériques. Ils en ont tiré un usage pédagogique, rejoignant ainsi en masse les « précurseurs ».
Innover dans les apprentissages et les évaluations
Transmettre des connaissances, développer des compétences, créer une dynamique de groupe, évaluer autrement… Tout en mesurant le lien irremplaçable entre un enseignant et ses élèves au sein de la classe, de nombreux professeurs ont « profité » de cette situation inédite pour expérimenter des plateformes d'apprentissage.
D'abord en exploitant davantage les environnements numériques de travail (ENT) qui peuvent intégrer des logiciels d'apprentissage élaborés par les éditeurs scolaires qui permettent à chaque élève de progresser à son rythme. Mais aussi en investissant les services en ligne proposés par le Centre national d’enseignement à distance, notamment Ma classe à la maison pour le collège et pour le lycée.
Certes, face à l’afflux aussi massif que soudain de connexions pendant l'école à la maison, ces outils publics n’ont pas fait le poids en 2020 comme en 2021. Des enseignants se sont alors tournés vers d'autres plateformes plus fluides mais privées, comme Discord, connue par les joueurs en ligne, qui leur donnait la possibilité de créer une classe virtuelle. Ils ont aussi utilisé des outils collaboratifs pour faciliter la circulation d’informations dans le groupe classe pendant un cours virtuel et pour impliquer les élèves en les invitant à modifier ou corriger des travaux postés dans un google drive partagé. La période de confinement a également remis en avant des modalités d’évaluation différentes comme les questionnaires à choix multiple, mieux connus sous l’acronyme QCM.
Redéfinir les limites et les risques du numérique
On pourrait encore multiplier les exemples indéfiniment tellement le corps enseignant a eu à cœur de trouver des solutions pour ne pas abandonner les élèves, faisant preuve d'une pugnacité et d'une créativité sans précédent et expérimentant ainsi les nombreux aspects positifs mais aussi pédagogiques du numérique déjà éprouvés dans certaines disciplines comme les langues vivantes ou encore la géographie. Maintenant, avec les cartes dynamiques, une frontière qui bouge est devenue un concept très concret. Quant aux pédagogies innovantes ou les pédagogies de projets, elles intègrent depuis longtemps des pratiques numériques, notamment en lien avec le réseau Canopé.
Certes le recours au numérique a été très différent pendant l'école à la maison, car soudain et improvisé. Mais il a eu le mérite de lever des verrous. L'implication des professeurs pour improviser les cours à distance a été remarquable en termes d'investissements, accélérant de manière significative l'usage du numérique pour l'éducation.
A contrario, le confinement a aussi rappelé qu'en matière d'équipement tous les élèves ne sont pas égaux. La fracture numérique s'est imposée aux yeux de tous quand les professeurs ont perdu des élèves. L'illectronisme dans la sphère familiale, pointé par la mission d'information "Lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique" du Sénat est aussi une réalité à prendre en compte.
Quant aux questionnements autour de la sécurité des données, ils ont aussi ressurgi avec force pendant cette période inédite. Car opter pour un logiciel quel qu'il soit nécessite de contrôler ses conditions d’utilisation. Sinon, c’est prendre le risque que la plateforme exploite ou revende les données personnelles des élèves et des enseignants à des acteurs économiques privés. En Europe, le règlement général sur la protection des données (RGPD) responsabilise les organismes publics et privés qui traitent les données des utilisateurs mais la réglementation est différente dans les pays non européens comme le rappelle cet article publié le 27 mars 2020 dans Libération au sujet de la plateforme américaine Discord. En avoir conscience est un minimum, encore faut-il le pouvoir et le comprendre.
Éduquer au numérique et apprendre avec le numérique
Car le numérique pour l'éducation, ce sont aussi des compétences qui s'apprennent, comme le définit le Cadre de référence des compétences numériques mis en place à la rentrée 2019 et valable de l'école primaire à l'université. Ces savoirs et savoir-faire digitaux font l'objet d'une certification délivrée par la plateforme Pix en fin de cycle 4 au collège et en cycle terminal du lycée. Le dispositif se substitue aux niveaux « école », « collège » et « lycée » du brevet informatique et internet (B2i).
Seize compétences sont évaluées dans cinq domaines et sur cinq niveaux. L'objectif : ne plus être juste des consommateurs ou des utilisateurs, mais appréhender le numérique avec recul, d’en décoder les enjeux et d’en reprendre le contrôle dans sa vie personnelle, professionnelle mais aussi de collégiens et de lycéens.
Et après ?
Pour répondre aux enjeux de la pédagogie de XXIe siècle, les 40 propositions issues des États généraux du numérique pour l'éducation capitalisent sur l’expérience acquise durant cette période inédite. Dans les collèges et les lycées, il y aura un avant et un après la Covid 19.