Enseigner avec les neurosciences : des perspectives nouvelles dans le secondaire

Source : Equipe éditoriale Nathan

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Enseigner avec les neurosciences : des perspectives nouvelles dans le secondaire

Quand, en janvier 2018, J.-M. Blanquer nomme S. Dehaene à la tête du tout nouveau conseil scientifique de l’éducation, les neurosciences cognitives font une entrée fracassante dans l’éducation. Trois ans après, quel est leur statut réel dans le quotidien des professeurs ? La direction prise par le Conseil scientifique n’est-elle pas très éloignée des réalités du terrain ? L’inquiétude qu’elles ont pu susciter chez certains en termes de liberté pédagogique était-elle légitime ? Les plus enthousiastes ont-ils pu les mettre en application ?

 

Il y a dans ce qu’on appelle les neurosciences plusieurs objets. Les sciences cognitives, d’abord, renseignent sur le fonctionnement du cerveau en train d’apprendre. Elles confirment scientifiquement l’efficacité de certaines pratiques comme le « par cœur », la répétition, la pédagogie de projet. Il y a également les neurosciences affectives et surtout sociales, beaucoup moins représentées dans le Conseil scientifique de l’éducation, qui peuvent pourtant également beaucoup apporter aux professeurs.

C’est en effet une classe que nous avons devant nous, un groupe, et non pas un seul individu… Prenons l’exemple du concours « Chercheurs en acte » mis en place par le Conseil scientifique pour valoriser les enseignants qui s’emparent des neurosciences et les mettent en application sur le terrain au sein de leur classe. Le prix exige une grande rigueur scientifique dans l’expérimentation pédagogique, mais ne se soucie pas réellement d’une appropriation « naturelle » des apports des neurosciences, négligeant l’aspect affectif et social. Découvrez le site dédié au concours.


C’est pour cela que des chercheurs se sont emparés du problème et ont créé des programmes pour accompagner les enseignants dans la mise en œuvre des apports neuroscientifiques en classe. Parmi eux, on citera bien sûr Lachaux et son programme ATOLE autour de l’attention, mais aussi les cogni-classes, initiative de l’association de Berthier en partenariat avec le laboratoire de la Psydé (Houdé, Borst, etc.) qui engage directement les enseignants volontaires dans une réflexion autour des neurosciences et les encourage à créer et mutualiser leurs outils.


Cependant, pour une cogni-classe, il ne faut plus convaincre un professeur, mais près d’une dizaine si on veut que l’action soit un minimum cohérente. Combien de professeurs se sont-ils ainsi cassés les dents, car seuls dans l’équipe à intégrer les neurosciences à leur pratique ? Et même quand les chefs d’établissement tentent d’impulser ou de coordonner les actions, il n’est pas si facile d’amener tout un groupe d’enseignants à harmoniser leur pratique autour d’apports qui éveillent encore la suspicion chez certains. Bertrand Bredel, directeur de collège, en témoigne.


Au-delà, prendre en compte la dimension affective et sociale dans le développement cognitif des enfants, c’est aussi travailler de concert avec les autres acteurs de l’éducation, en premier lieu les parents, mais aussi – et on les oublie trop souvent ! – les AESH, le Conseiller principal d’éducation ou les surveillants qui encadrent les heures d’étude ou de permanence. Des associations, comme Neuro’Educ, commencent à s’intéresser à ces publics délaissés qu’il faut initier aux neurosciences pour permettre leur collaboration.


Un des principaux freins en France reste sans doute l’idéologie associée aux neurosciences. Par exemple, il est pratiquement tabou d’oser remettre en question le dogme de l’intelligence. S’il est maintenant communément admis que celle-ci n’est pas fixe, mais évolue tout au long de la vie, il ne faut pas non plus oublier que le cerveau, à l’image d’un visage, possède ses traits distinctifs, et que c’est à partir de là qu’il se transforme. Ainsi chacun se construit-il différemment. Ainsi, le cerveau de chacun murit-il différemment, et surtout à l’adolescence, ce qui éclaire le principe du collège unique d’une lumière nouvelle, plus seulement socio-économique ou socio-professionnelle, mais aussi cognitive. Voilà qui devrait également nous pousser à revoir notre copie en matière d’orientation des élèves…

A lire à ce sujet : Activer ses neurones, de Steve Masson